Accompagnement des personnes en fin de vie : ce que vivent les soignants

Accompagnement des personnes en fin de vie : ce que vivent les soignants

Si la perte d’un proche bouleverse les familles, elle touche aussi ceux qui en sont témoins chaque jour : les soignants. À l’hôpital ou en EHPAD, ils sont régulièrement confrontés à la fin de vie, à l’annonce du décès, à la douleur des proches. Pourtant, cette réalité reste souvent invisible, peu reconnue, voire taboue. Bien qu’en première ligne, les soignants manquent encore de formation et d’espaces pour exprimer ce qu’ils vivent.

Comment accompagner la mort avec humanité dans un cadre souvent contraint par l’urgence, les protocoles et le manque de ressources ? Comment préserver son équilibre émotionnel tout en soutenant les familles et les collègues ?

À travers le témoignage de Sylvie Talent, infirmière et référente deuil à l’EPSM Georges Mazurelle en Vendée, nous découvrons les défis humains et professionnels que soulève l’accompagnement des personnes en fin de vie. Formatrice, soignante et engagée dans la transformation des pratiques, elle nous éclaire sur l’importance de mieux préparer les équipes à faire face à la mort.

Quand la mort fait partie du soin : l’expérience des soignants

Être soignant, c’est prendre soin du vivant. Pourtant, la réalité du terrain confronte régulièrement les professionnels de santé à la mort, au deuil et à l’accompagnement des personnes en fin de vie. Cette confrontation répétée, bien qu’inévitable, reste difficile à appréhender, tant elle fait appel à des dimensions émotionnelles, éthiques et humaines intenses.

La mort est parfois perçue comme un échec, une rupture dans le parcours de soins. Or, peu de formations abordent concrètement la prise en charge d’un décès, l’accompagnement des familles endeuillées, ou encore l’impact psychologique que peut avoir une disparition sur les soignants eux-mêmes. Les protocoles de décès à l’hôpital, bien que nécessaires, ne suffisent pas toujours à apporter un cadre rassurant ou apaisant.

La crise sanitaire du Covid-19 a d’ailleurs mis en lumière ces manques : de nombreux soignants ont été confrontés à des décès multiples dans des conditions particulièrement éprouvantes. Sans préparation suffisante, ni espaces pour verbaliser ce qu’ils traversaient, nombre d’entre eux ont exprimé un sentiment d’isolement, voire d’épuisement moral.

Dans ce contexte, développer une culture du deuil au sein des établissements apparaît comme une nécessité. Cela implique de reconnaître la souffrance des soignants, de favoriser des temps d’échange, et de renforcer les dispositifs d’accompagnement en fin de vie pour les patients, les familles et les équipes.

Interview : le regard d’une infirmière référente deuil

Vous pouvez également visionner l’interview en vidéo sur ce lien : Voir l’interview complète de Sylvie Talent. (Durée : 6:12)

Bonjour Sylvie Talent, pouvez-vous commencer par vous présenter ?

Je suis Sylvie Talent, je suis infirmière depuis 1994 sur l’EPSM Georges Mazurelle. Je suis sur deux postes : à la fois infirmière de nuit à 60 %, et à 40 %, je suis référente deuil sur l’établissement.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours professionnel, études, écoles, stages, formations ?

Oui. Donc après le bac, j’ai fait le concours d’école d’infirmière spécialisée en psychiatrie.
J’ai été diplômée en 1994. J’ai travaillé dans différentes unités sur l’établissement.

En 2016, j’ai commencé à me former sur le deuil. J’ai d’abord suivi une formation sur la clinique du deuil à Paris. Puis, de fil en aiguille, j’ai commencé à travailler sur un copil pour une journée d’études interhospitalières.

De là, je me suis dit que la formation m’intéressait. J’ai demandé à faire un diplôme universitaire sur la clinique du deuil, à Amiens.

Suite à ça, j’ai monté une formation de trois jours pour l’établissement, afin de former les soignants sur l’approche de la mort, la prise en charge des défunts et des endeuillés.

Au fil des formations que je donne depuis 2018, je me suis rendu compte de la nécessité pour le personnel soignant de se former à ces sujets. Que ce soit à titre professionnel… ou personnel. J’ai eu aussi beaucoup de demandes des collègues pour des raisons personnelles.

Je me suis donc dit qu’il serait intéressant de monter un poste de référente deuil. L’établissement m’a suivie dans cette démarche. Depuis janvier 2025, je suis donc à 40 % référente deuil sur l’établissement.

Par rapport à votre parcours, pourquoi est-ce important pour vous de transmettre aux autres ?

La transmission est importante parce que, depuis que je suis infirmière, je me rends compte des difficultés que l’on a, en tant que soignants, à travailler avec la mort. Elle peut encore être vécue, parfois, comme un échec. Elle peut aussi être traumatique.

Nos parcours d’études nous forment pour le vivant, mais nous avons très peu d’approche sur la mort. Et il me semble que c’est une nécessité, dans notre prise en charge, d’être présents jusqu’au dernier instant.

C’est aussi finaliser notre prise en charge que de bien accompagner la personne défunte.

Depuis 2019, voyez-vous des changements ou des évolutions après vos interventions auprès du personnel soignant ?

Oui, en effet. Depuis 2019, un grand nombre de soignants ont été formés. Et puis, on a eu cette période difficile du Covid, qui a posé beaucoup de questions sur la prise en charge des défunts. Sur l’EPSM Mazurelle, plus il y a de personnel formé, plus la prise en charge est fluide. Il y a aussi un effet de transmission aux nouveaux arrivants, et une facilité à se poser des questions. On casse un petit peu, quand même, les tabous de la mort en milieu soignant.

Actuellement, qui peut bénéficier de la formation ?

La formation est réservée au personnel de soins sur l’établissement, donc sur l’EPSM Mazurelle. Cela inclut les infirmiers, les aides-soignants, les psychologues, les médecins… mais aussi le personnel ASH. Toute personne qui travaille auprès du patient. À l’avenir, il est possible que cette formation se développe avec le GHT, le Groupement Hospitalier de Territoire. Elle pourrait alors s’ouvrir aux autres hôpitaux.

À qui s’adresse le poste de référente deuil, créé en janvier 2025 ?

Ce poste s’adresse à tout le personnel de l’établissement.

  1. En premier lieu, aux patients, qui peuvent être en difficulté avec un deuil. Je viens pour leur expliquer, les rassurer sur les processus.
  2. Ensuite, aux soignants, qui peuvent eux aussi être en difficulté dans une situation avec un patient endeuillé. Je travaille alors sur le lien entre le patient et les soignants.
  3. Le troisième axe, c’est la formation sur le deuil. Je cherche à la développer un maximum, à l’intérieur de l’établissement et peut-être, à terme, à l’extérieur, via le GHT.
  4. Le quatrième axe concerne tout le personnel, pas seulement les soignants. C’est-à-dire toute personne endeuillée qui rencontre des difficultés à reprendre son poste après un deuil. Je les aide à retrouver leur place dans le milieu hospitalier, dans de bonnes conditions.
  5. Enfin, je travaille avec les associations de l’hôpital. J’organise des tables rondes à l’extérieur. L’objectif est d’ouvrir la réflexion sur la mort et la prise en charge des défunts.

De la parole à la présence : mieux accompagner la fin de vie

Le témoignage de Sylvie Talent met en lumière une réalité encore trop peu partagée : pour accompagner la mort avec justesse, il faut aussi savoir accompagner ceux qui en sont témoins. Cela passe par l’écoute, la formation, mais aussi par des gestes simples, des rituels, et la présence humaine dans les moments les plus sensibles.

Dans les établissements de santé, le rôle des référents deuil contribue à ouvrir un espace de parole autour de la mort. Ces démarches renforcent les liens entre les équipes, les familles, et les défunts, en leur offrant un cadre plus respectueux et plus humain. Elles participent à une évolution des pratiques où la technique ne prend pas le pas sur l’émotion.

C’est dans cette même logique d’accompagnement que s’inscrivent les Pompes Funèbres Andriot, à travers leur présence au cœur des communes d’Aubigny-les-Clouzeaux, Longeville-sur-Mer et Belleville-sur-Vie. En tant que société familiale et indépendante, notre engagement repose sur l’écoute, le respect des volontés et l’attention portée à chaque situation.

Nous savons, pour accompagner les familles endeuillées au quotidien, combien la mort nécessite des réponses humaines, adaptées, non standardisées. Être là, simplement, pour guider les proches dans l’organisation des obsèques, soutenir les démarches, et offrir une présence fiable et discrète. Ce rôle, nous le portons avec conviction, aux côtés de celles et ceux (soignants, accompagnants, aidants) qui font de la fin de vie un moment d’attention et de dignité.