L’humusation, une alternative écologique à nos modes de sépulture

L’humusation, une alternative écologique à nos modes de sépulture

Nous devenons de plus en plus soucieux du respect de l’environnement à tous les moments de notre vie. Mais qu’en est-il à l’heure de notre mort ? Pour rendre nos pratiques funéraires plus écologiques, de nouvelles idées émergent. L’humusation, également appelée terramation et qui s’inspire de rituels plus anciens, est l’une d’entre elles. En quoi consiste-t-elle ?

Qu’est-ce que l’humusation ?

Le mouvement pour accepter l’humusation en tant que mode de sépulture s’est accéléré ces dernières années à mesure que la conscience environnementale a augmenté. En Europe, il est largement porté par le Belge Francis Buzigny.

Concrètement, le corps du défunt est enveloppé dans un linceul biodégradable puis déposé à quelques centimètres du sol. Il repose ainsi pendant 1 an dans un jardin aménagé pour l’y accueillir.

Durant ces 12 mois, la dépouille se transforme en humus, un terreau non polluant et fertile. À quelques centimètres de profondeur vivent les micro-organismes (bactéries, champignons, etc.) capables d’opérer cette métamorphose.

La terramation, des funérailles écologiques

Les partisans de la terramation promettent une réintégration plus écologique du corps dans la biosphère, sans pollution des sols ni consommation de ressources fossiles. Cette pratique peut également offrir une solution pour pallier le manque d’espace dans nos cimetières.

À l’heure actuelle, les substances toxiques contenues dans les dépouilles (mercure des plombages, prothèses, etc.) ou utilisées pour la conservation de ces derniers (formol) contaminent les nappes phréatiques. L’inhumation et la crémation émettent du dioxyde de carbone. Des mesures existent pour compenser ces rejets, mais le compost humain présente l’avantage de ne pas produire de CO2.

Les étapes de l’humusation

Comment se dérouleraient ces funérailles écologiques ? La fondation belge qui prône ce mode de sépulture envisage un procédé en 4 étapes :

• Dans un premier temps, la famille et les proches sont invités, comme pour des obsèques traditionnelles, à suivre le corps du défunt. Dans cette pratique, il est conduit sur une civière en inox réfrigéré.

• Le disparu, enveloppé dans son linceul biodégradable, repose sur un lit de broyats de bois et de lignite gorgés d’eau de pluie. Son corps recouvert par le mélange végétal auquel les humusateurs ajoutent de la paille et des feuilles séchées forme ainsi un tumulus. Une stèle commémorative en bois ou en pierre, placée à proximité, matérialise l’espace réservé au défunt. Les proches pourront venir s’y recueillir.

• S’ouvre alors la période d’humusation. La décomposition s’opère naturellement. Des humusateurs agréés s’assurent de son évolution : réduction des os et des dents en poudre, retrait de tout élément non biodégradable (plombages, prothèses métalliques, etc.) et enfin enrichissement et renouvellement du broyat.

• Une partie du compostage humain ainsi réalisé permettra à la famille de faire pousser un arbre dans le « bois du souvenir » ou sur un terrain privé. Une cérémonie symbolique pourra accompagner la mise en terre. L’humus restant servira à régénérer des sols appauvris et à lutter contre le dérèglement climatique grâce à la plantation de nouveaux arbres.

Le compostage humain, une pratique encore interdite en France

Les États-Unis ont légalisé en 2019 un procédé proche de l’humusation, appelée « recompose ». Et depuis janvier 2023, six États dont Washington, la Californie et l’Etat de New York offrent cette possibilité.

Actuellement, la France ne reconnaît quant à elle que l’inhumation et la crémation. Le sujet commence cependant à s’immiscer dans les débats parlementaires, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, portés par des élues soucieuses des questions environnementales. Au-delà des freins culturels, il demeure des incertitudes sur la pleine réussite du processus. En effet, la décomposition doit répondre à des normes sanitaires strictes. Son efficacité doit être garantie, peu importe les facteurs externes et notamment les conditions climatiques. Des tests sur le compostage d’animaux ne se sont pas révélés assez concluants et ont nourri des controverses.

Il faut dire que le sujet est délicat. Il touche « au respect, à la dignité et à la décence » dus « aux restes des personnes décédées » évoqués à l’article 16-1-1 du Code civil . La terramation, éloignée de notre culture actuelle, peut effrayer ou heurter les convictions religieuses. Des réflexions scientifiques, philosophiques et éthiques s’engagent autour de la question, qui peut susciter de vives réactions dans la sphère politique.

Quel avenir pour l’humusation ?

Une proposition de loi d’expérimentation a été déposée début 2023, en France, envisageant de tester l’humusation dans des communes volontaires. Ce projet est soutenu par l’association Humusation France qui a recueilli plus de 20 000 signatures en sa faveur.

L’humusation offre une perspective différente de nos rites funéraires. À l’heure où la réduction de notre empreinte carbone devient urgente, elle se présente comme une solution envisageable pour diminuer l’impact écologique. Son acceptation sociétale exigera du temps. Elle oblige à des changements dans notre perception de la mort et de l’accompagnement de nos défunts.